MISE EN CONDITION D’UN PATIENT GRAVE

EVACUE PAR HELICOPTERE

P.E LEBAS

VALIDE RICHARD DOMERGUE. SAMU 06. 2005.

VERSION 1

 

Les transports héliportés médicalisés présentent des spécificités nécessitant un conditionnement particulier et méthodique.

 Ces spécificités, essentiellement dues à l’hypoxie, aux différences de pression atmosphériques et aux propriétés physiques de l’aéronef transmises au patient, peuvent être responsables d’effets délétères pour la victime.

Par ailleurs, les règles de sécurité en dehors et à bord de l’hélicoptère sont impératives et permettent d’effectuer nos missions en assurant au personnel médical, au pilote et à la victime, des conditions de transport optimales.

 

 

 

Le transport d’un patient grave représente un risque évalué en moyenne à 5% ; ce risque est essentiellement lié à son état plus qu’à son transport ; par voie terrestre les accélérations et décélérations sont 9 fois plus importantes que par moyen héliporté.

 

La mise en condition doit assurer la prise en charge optimale des constantes hémodynamiques, neurologiques et respiratoires. Cette mise en condition doit être minutieuse même si elle demande un certain temps (excepté le cas où l’état du patient nécessite un transport urgent)

 

Le transport héliporté est justifié quand la distance est supérieure à 40km en plaine c'est-à-dire une durée d’acheminement de 2O minutes.

De même, certaines pathologies tirent bénéfice d’un transport héliporté :

 

·         Polytraumatisé          

·         traumatisme crânien

·         néonatologie

·         patients en état de choc non traumatiques : grands brûlés, chocs septiques

·         les patients présentant une pathologie coronaire pouvant bénéficier d’un geste de coronarographie interventionelle en urgence, bien conditionnés pour un vol en hélicoptère, doivent également bénéficier de ce moyen de transport rapide.

·         le patient présentant un accident de plongée (décompression/surpression) grave, doivent également bénéficier de ce type de transport. Soit l’accident se passe au niveau de la mer et le vol se fera à basse altitude après conditionnement méticuleux, soit l’accident a lieu dans un lac de montagne et l’hélicoptère sera le vecteur le plus rapide et sans contre indication, les caissons hyperbare étant dans nos régions dans des villes balnéaires.

 

 

 

 

 

 

 

EFFETS DU TRANSPORT

 

1)      La mobilisation accentue les phénomènes douloureux et hémodynamiques.

2)      Les vibrations basses fréquences : 6Hz pour le cœur, 12Hz pour le rachis et 60Hz pour le globe oculaire ont une incidence pour ces organes. De même, les foyers de fracture non stabilisés peuvent se désolidariser.

3)      Loi de MARIOTTE, diminution de la PaO2 en fonction de l’altitude…

4)      Effet stroboscopique des pales…

 

Au cours des vols héliportés, les accélérations sont essentiellement verticales et faibles, donc sans effet sur l’organisme.

Les vibrations imposent que le patient soit coquillé afin que le squelette ne soit pas en phase avec la fréquence 12Hz ; par ailleurs, une plaie pénétrante du globe oculaire isolée peut contre indiquer un transport héliporté.

 

 

 

 

 

CONSEQUENCES HEMODYNAMIQUES

 

·         la défaillance hémodynamique est la complication la plus fréquente lors d’un transport médicalisé ; cette défaillance  majorée par les phénomènes d’accélération/décélération est donc moindre au cours des transports héliportés.

Une analgésie ou une sédation de ces patients permet un meilleur contrôle des paramètres tensionnels

 

·         par ailleurs, pour Bellinger et al (1), lors du transport héliporté d’un patient souffrant d’un IDM en phase aiguë, l’hypotension était la complication la plus fréquemment retrouvée, devant les BAV 3 et les TV non soutenues.

 

 

 

CONSEQUENCES RESPIRATOIRES

 

·         chez le patient non intubé, une aggravation de la fonction respiratoire au cours du vol est toujours à craindre. Devant toute suspicion de dégradation possible de la fonction respiratoire, il faudra intuber et sédater le patient avant le vol (IOT/ISR).

·         chez le patient intubé, toute détérioration doit faire penser à un pneumothorax ; il est donc impératif de drainer tout pneumothorax avant un vol héliporté, que le patient soit ventilé ou non.

·         Le patient peut aussi être extubé au cours des manipulations, présenter une obstruction partielle due aux expectorations…

 

Il est donc impératif chez un patient non ventilé d’effectuer le vol sous O2 avec un contrôle saturométrique ; de même, chez un patient en assistance ventilatoire, l’ETCO est un paramètre important de surveillance.

Penser également à dégonfler le ballonnet de la sonde d’intubation de 25% pendant le vol et de le regonfler dès l’atterrissage. Le remplissage du ballonnet de sonde à l’eau permet de ne pas subir les effets de la loi de MARIOTTE. Cependant cela peut induire des problèmes de porosité du ballonnet à court terme.

 

 

 

CONSEQUENCES NEUROLOGIQUES

 

·         la manipulation du blessé est responsable de l’aggravation des lésions rachidiennes de même qu’une mauvaise contention du rachis.

·         l’aggravation des lésions cérébrales est souvent en relation  avec une hypo perfusion cérébrale associée avec un défaut de sédation. Gentelman et al (2) retrouvent une hypoxie dans 22% des cas ; David et al (3) une hypercapnie dans 43% des cas et une hypocapnie profonde dans 38% des cas.

 

Une grande attention aux manipulations et à l’immobilisation est de rigueur avant un vol héliporté ; de même, une surveillance des paramètres ventilatoires et de la sédation est fondamentale au cours de ces transports.

 

 

 

 

 

CONSEQUENCES THERMIQUES

 

·         brûlés, polytraumatisés et prématurés sont particulièrement sensibles à l’hypothermie responsable de troubles hémodynamiques, rythmiques, infectieux ou métaboliques responsables d’une morbidité accrue.

 

Le patient doit donc être couvert (couvertures et couvertures de survie), l’habitacle climatisé et  la présence d’une couveuse adaptée au brancard aéronautique impérative.

 

Par ailleurs, avant le décollage, un réchauffement des solutés de remplissage est à envisager.

 

 

CONSEQUENCES DIGESTIVES

 

·         mal des transports…

·         dysbarisme, colite…

·         reprise d’hémorragie gastrique ou duodénale

 

Avant tout vol, la prise d’antiémétiques ou la pose d’une SNG font partie du conditionnement du patient.

 

 

 

 

 

 

 

TRANSPORT SECONDAIRE



Bilan clinique et lésionnel complet : évaluer la gravité et l’évolution potentielle en cours de transport

·         abords veineux de qualité, drains et sondes vérifiés ou mis en place (SNG)

·         immobilisation des foyers de fracture (attelles)

·         sédation et assistance ventilatoire chez tout patient instable sur le plan hémodynamique et/ou respiratoire

·         stabilisation hémodynamique : lorsque l’on a le temps, mieux vaut transporter un patient stable qu’un patient limite.

·         monitoring complet

·         si l’état du patient le permet, faire les examens paracliniques nécessaires au bon conditionnement du patient et à sa bonne orientation (ECG, bilan radiologique, scanner..) avant le vol ou consulter les examens déjà effectués.

 

·         contacter le médecin régulateur avant le décollage pour lui transmettre le bilan du patient et son conditionnement.

 

 

 

 

 

 

 

TRANSPORT PRIMAIRE : LE POLYTRAUMATISE

 

La première des raisons justifiant une médicalisation héliportée… !

 

·         effectuer un bilan lésionnel complet- Cooper (3)-

·         identifier et traiter les détresses vitales incompatibles avec un transport héliporté : choc hémorragique, pneumo/hémothorax

·         lutter contre douleur, hyper/hypothermie

·         immobilisation des fractures

·         monitoring complet

·         matelas coquille aéro…attelle de KED…

 

2 HYPOTHESES :

 

            -l’évacuation urgente prime : conditionner sur le brancard, passer un bilan au régulateur et continuer la médicalisation en vol. Le scoop and run s’impose dans les trauma dont la sanction est chirurgicale ( HED, plaie de foie, rate, vasculaire…)

            -l’urgence est moins pressante : médicaliser avant le décollage en prenant garde de ne pas laisser s’aggraver le patient.

 

Le pantalon anti choc, dont l’indication majeure reste les traumatismes du bassin sans lésion sus diaphragmatique, doit à l’évidence être mis avant le décollage et nécessite une IOT à séquence rapide avec sédation par la suite.

 

PAR AILLEURS :

 

Le traumatisme du rachis est une urgence chirurgicale (délai < 6h) mais dont l’évacuation nécessite des précautions évidentes ; le conditionnement par attelle de KED, matelas à dépression à vérifier en vol, est primordial pour éviter l’effet délétère des vibrations. Il en est de même pour les trauma crâniens graves qui nécessitent une évacuation rapide avec un conditionnement optimal.

 

Le grand brûlé nécessitera un refroidissement avant la mise à bord ; le remplissage vasculaire devra être concomitant et en cas de vol à haute altitude, des prises d’air aéronautiques ou des poches à pression devront être utilisées afin de permettre une perfusion efficace. En cas d’atteinte des voies aériennes ou d’hémodynamique précaire, la ventilation assistée et la sédation devront être effectuées avant le vol si possible.

 

Le coronarien en phase aigue ne bénéficiera d’un transport héliporté que pour des raisons de délais d’acheminement vers une structure adaptée car l’hypoxie d’altitude en hélicoptère sera  délétère et devra donc être compensée par oxygène au MHC. En cas de FV, le CEE ne sera faisable en vol que si la DGAC et le constructeur de la machine le stipulent ;par ailleurs, le pilote peut s’y opposer.

 

Tout patient devra être porteur d’un casque anti bruit, recouvert de draps et couvertures ; la cabine devra être climatisée (chaud ou froid) afin d’assurer une normothermie à la victime.

 

 

SURVEILLANCE ET SOINS EN VOL

 

·         qualité équivalente à une salle de réanimation : monitoring, assistance ventilatoire, réserves d’oxygène, perfusions et seringues électriques…

·         l’hélicoptère doit permettre d’effectuer tout soin en vol ; seul le choc électrique dépend des normes de l’hélicoptère, du défibrillateur…et de l’accord du pilote !

 

«Mieux vaut conditionner avant le vol…mais tout geste de réanimation doit être faisable pendant le vol »

 

 

REGULATION DU VOL

 

Le médecin régulateur décide selon des critères de temps et de «  confort médical » qu’un vol héliporté est nécessaire. Il contacte lui-même le pilote qui seul jugera de la faisabilité du vol.

En aucun cas le médecin régulateur ne devra tenter de forcer la décision du pilote !

 

Le médecin transporteur et son équipe seront conduits à la zone de poser afin d’optimiser le temps d’arrivée sur les lieux ; en cas de primaire, l’équipage sera chargé « rotors en marche » et toutes les règles de sécurité devront être respectées :

·         positionnement face au pilote, à genoux

·         accord par signe du pilote de monter à bord

·         avancer tête baissée même si les pales sont hautes (se méfier des terrains en pente)

·         pas de matériel susceptible de s’envoler

·         assis, harnais,  casques émetteurs récepteurs avec essais de ceux-ci dès l’entrée dans l’aéronef.

 

Le médecin transporteur doit avant le décollage avoir le plus de détails possible concernant la ou les victimes afin de prendre éventuellement du matériel en complément ;ce matériel devra être fixé dans la cabine avant le décollage.

 

Le médecin transporteur transmettra tous les bilans nécessaires au bon placement de la victime ; en vol, le pilote et/ou le médecin disposent d’une fréquence tactique permettant une liaison directe avec le centre 15. Aucun message en vol ne sera passé sans l’accord du pilote.

De même, aucun déplacement, aucun geste médical nécessitant des déplacements dans la cabine ne pourront être effectués sans l’accord du pilote.

 

Le médecin régulateur désigne un PARM responsable du suivi du vol ; une fiche destinée au PARM permettra à celui-ci de déclencher tous les moyens médicaux, techniques et humains nécessaires à la victime et à l’équipage de l’hélicoptère. Cette fiche est un gage d’efficacité et de sécurité pour la victime et l’équipage.

Seul le PARM désigné sera habilité à suivre le vol. Il devra par ailleurs tenir le médecin régulateur de tout message reçu.

 

La DZ permettant le poser final dépendra du lieu de placement du patient, de la météo et de la disponibilité des DZ répertoriées.

Une liste des DZ sera disponible et accessible au PARM en salle de régulation.

 

Au poser retour de l’hélicoptère, une UMH devra être sur les lieux afin de ne pas perdre le temps gagné par le transport aérien.

 

 

PAR AILLEURS

 

A la fin de chaque vol, le médecin ne quittera l’hélicoptère qu’après l’avoir rendu médicalement fonctionnel : remplacement des drogues, solutés et matériel utilisés.

L’UMH de jonction amènera un sac « hélico » fonctionnel et permettra de rééquiper l’aéronef en consommable utilisé.

Les mises sous tension des appareils électriques seront sous la responsabilité du pilote .

 

En cas de transport nécessitant un survol maritime, l’équipage devra porter les gilets de sauvetage dès le décollage. Il est important de connaître l’emplacement du radeau de survie…

En cas d’amerrissage, le pilote doit rester seul maître à bord…

 

 

Quelque soit l’intervenant, aucun risque n’est à prendre.

 

« Je ne connais pas de bon pilote ; je ne connais que des vieux pilotes. »

 

Bons vols !

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

(1)   BELLINGER. RL

Helicopter transport of patients during acute myocardical infarction

American Journal of Cardio. 1988.  61: 718-722

 

(2)   GENTELMAN.D

Hazards in interhospital transfer of comatose head injured patients

Lancet 1981.  2: 853-855

 

 

 

(3)   COOPER.J

Priorities in assessment and intervention in trauma victim medical care

European Journal Emergency Medical 1996.  3/  225-232

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A LIRE PAR AILLEURS

 

(4)   GOLDSTEIN.P

Transports héliportés: pourquoi non?

SFAR 42 congrès 2000.   69-76

 

GOLDSTEIN.P

Transports héliportés: pourquoi oui?

SFAR 42 congrès 2000.